Conflits au travail dans les associations

Rapport d’étude : Relations et conflits au travail dans les petites entreprises associatives INJEP

Les salariés associatifs travaillent « pour la cause » avec des bénévoles et pour des bénévoles.


Cadre de l’étude :

Ce rapport s’intéresse aux petites associations employeuses de moins de 50 salariés, représentant environ 600.000 emplois en France, soit 25% des emplois associatifs (cf. étude Tchernonog, Prouteau, 2019).

L’enquête se base sur une étude bibliographique complétée par 45 entretiens individuels réalisés entre septembre 2019 et mars 2020. La méthode d’enquête est basée sur un principe de saturation:  les entretiens sont arrêtés lorsqu’ils n’apportent plus de nouvelles informations.

Ce rapport ne propose pas de solutions, ne contrebalance pas par tous les points positifs d’innovations sociales que peuvent mettre en place les associations. Il dresse plutôt à partir de ces entretiens des difficultés voire des souffrances dans le salariat associatif pour ainsi pallier une faible présence de livres sur le sujet.


CitationCe que l’on en retient en quelques mots :

Du côté des salariés, les principales difficultés proviennent d’un manque de reconnaissance de leur travail ,d’un écart parfois trop important entre les valeurs qu’ils pensaient défendre en faisant partie de cette association et les réalités concrètes du quotidien. Il est aussi parfois compliqué de travailler avec et pour des bénévoles qui ne connaissent pas bien le secteur et qui peuvent imposer leurs attentes ou méthodologies. Celles-ci peuvent s’opposer aux réalités de terrain du salarié, voire même au code du travail générant ainsi incompréhensions et souffrances.

Du coté des employeurs bénévoles, leurs responsabilités en tant qu’employeurs sont parfois mal connues, mal définies et peuvent parfois être perçues comme démotivantes, voire douloureuses (licenciement, prudhommes). D’autant plus que la plupart d’entre eux se sont engagés pour porter un projet et des valeurs, et non pour être employeur.

Le rôle du directeur salarié, “coincé” entre les bénévoles et les salariés, n’est lui non plus pas aisé. Entre des définitions de missions parfois peu claires, des rapports avec les autres salariés parfois affectifs, interpersonnels et peu formels, il peut aller parfois jusqu’à un déni de ses responsabilités en tant que dirigeant.

 


Résumé détaillé de l’enquête :

Des conditions de travail inférieures au secteur privé :

  • A emploi/CSP équivalent, le salaire est moindre que dans le privé (environ 18% de moins en moyenne).
  • 70 % des salariés sont des femmes.
  • Plus de CDD, horaires atypiques, temps partiels …

Association : travail engagé ou précarité subie ?

Pour certains salariés du secteur associatif, ces conditions sont compensées par le fait d’avoir un travail qui a du sens et qui est utile pour la société et pour les autres. Cependant les réalités sont très différentes en fonction du secteur et du type d’emploi. Pour certains, notamment dans certaines zones où le chômage est fort, ou pour certains postes à faibles responsabilités nécessitant peu de qualifications (secrétaire, assistante maternelle, aide à la personne), le fait de travailler dans une association n’est pas toujours un choix mais parfois le résultat d’un marché de l’emploi aux conditions dégradées.

 

Les difficultés de travailler avec des bénévoles

Le travail bénévole est historiquement très présent dans les associations. De nombreuses professions dans les milieux associatifs étaient à l’origine occupées seulement par des bénévoles comme les animateurs ou l’aide à domicile par exemple. La professionnalisation de ces métiers reste très récente ( à partir des années 60 environ).

Travailler avec des bénévoles n’est pas toujours évident. Ces derniers ne comptant pas leurs heures, une part de travail bénévole de la part des salariés est souvent induite. De plus, certains bénévoles effectuent parfois des tâches similaires aux salariés, laissant parfois entendre qu’il n’est donc pas utile de rémunérer aussi cher un salarié pour le faire. Cela peut parfois générer des conflits dans l’association et un sentiment de manque de reconnaissance de ses compétences, de ses qualifications et de son travail pour le salarié.

La fonction employeur : une position parfois compliquée générant des conflits

Qui est l’employeur ? Le directeur ? Le CA ? le/la président.e ?

Le partage des rôles entre eux n’est pas toujours clair. La fonction employeur n’est pas toujours confiée de manière formelle, notamment sur la définition des rôles, des responsabilités et des pouvoirs de décision de chacun. Cela peut parfois générer des conflits.

La plupart des employeurs ont une expérience d’encadrement et de gestion, puisque 40% des président.e.s sont des cadres moyens et supérieurs. Mais ils ne sont pas forcément des professionnels du secteur d’activité dans lequel ils s’engagent et ne connaissent pas toujours le code du travail ou la convention du secteur. Parfois, ils peuvent aussi imposer un référentiel, une organisation du travail issus de leur expérience / secteur qui ne correspondent pas aux attentes des salariés qui connaissent parfois mieux les réalités de terrain.

Dans un même temps, la  fonction employeur est particulièrement chronophage et les dirigeants peinent parfois à trouver du temps en plus pour se former. Elle peut être vécue comme décourageante et douloureuse, ce qui peut générer de la démotivation de la part des bénévoles et des difficultés à renouveler le CA. En effet, dans les associations de moins de 10 salariés, la plupart des dirigeants bénévoles s’engagent pour conduire un projet, porter des valeurs et non pour être employeur. Ils ne s’attendent pas à devoir peut-être licencier ou représenter l’association en tant qu’employeur aux prudhommes. De plus, pour les dirigeants, la perte de convivialité et de spontanéité résultant de la professionnalisation de l’association peut être parfois difficile.

La place du directeur salarié n’est pas toujours évidente non plus, certains pouvant aller jusqu‘au déni de ses fonctions employeurs. Un salarié illustre bien la situation dans le rapport : “J’allais manifester le samedi avec mon directeur et je le revoyais le lundi comme employeur”. En effet, il n’existe peu ou pas de lieux, de temps formels permettant une expression collective. Les instances dirigeantes sont parfois peu présentes ou dans un rôle plus consultatif que décisionnaire. Là encore, des tensions et frustrations peuvent être générées provoquant ainsi des conflits internes.

Salariés : décalage entre espérances et pratiques.

L’ investissement affectif des salariés est souvent fort, avec une particulière attention pour le travail bien fait et la recherche de reconnaissance pour ce travail. Les attentes sont souvent hautes et les salariés sont parfois très déçus du trop grand décalage entre les valeurs portées par l’association et leur mise en place concrète au quotidien. Dans les entretiens, on retrouve notamment :

  • le manque d’espaces, démocratiques et d’horizontalité, allant parfois jusqu’à du harcèlement de la part des dirigeants vers les salariés,
  • les inégalités hommes / femmes,
  • le manque de moyens et risques de surmenage.

Le manque de démocratie réelle dans les prises de décision et la personnification du projet est un grief qui se retrouve plusieurs fois dans les entretiens comme source de conflit. En effet certains fondateurs conçoivent l’association qu’ils ont créé comme leur projet, et refusent de « prendre le risque de s’en faire virer ». Dans ces cas, il est difficile pour des salariés de trouver leur place, de s’impliquer et de faire vivre le projet.


Pour aller plus loin :

Le rapport : https://injep.fr/publication/relations-et-conflits-au-travail-dans-les-petites-entreprises-associatives/

Bibliographie :

  • Le livre noir de l’animation socioculturelle par USPAOC – CGT, 2005
  • Nous n’irons plus pointer chez Gaïa, jours de travail à Kokopelli, GRIMM, 2017
  • Te plains pas, c’est pas l’usine : l’exploitation en milieu associatif , Lily Zalzett et Stella Fihn, 2020
  • Souffrance en milieu engagé, Pascale Dominique Russo, 2020

 

 

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